RCA : répondre aux besoins en santé des réfugiés soudanais et des communautés hôtes
Aujourd’hui, la situation sanitaire dans le camp de Korsi est relativement moins tendue.
Birao – « Nous sommes arrivés en RCA complètement épuisés et aussi ruinés financièrement parce que nous sommes venus par nos propres moyens. Je n’avais plus d’argent pour prendre soin de ma mère lorsqu’elle était tombée malade. C’était le paludisme », se souvient Buruma, 60 ans, réfugié soudanais.
Depuis presqu’un an, le sexagénaire vit avec sa mère de 86 ans, comme les plus de 9 000 autres réfugiés, dans le camp de Korsi à Birao, dans le nord-est de la Centrafrique. Avec l’éclatement du conflit armé le 15 avril 2023 au Soudan, il a perdu les autres membres de sa famille lors du parcours vers la frontière de la Centrafrique et depuis il n’a plus aucune nouvelle d’eux.
Comme le Tchad, le Soudan du sud et l’Éthiopie, la Centrafrique, qui accueille près de 30 000 réfugiés et retournés venus du Soudan dont 85 % sont des femmes et des enfants, fait partie des pays affectés par la crise du Soudan dans la Région africaine. L’afflux massif de réfugiés en Centrafrique accroît le risque d’épidémies, mettant en danger des dizaines de milliers de vies et accentuant la pression sur un système de santé déjà fragile à cause du conflit armé que connait le pays.
L’hôpital de Birao, la structure de santé de référence du district de sanitaire de la Vakaga, et le centre de santé d’Amdafock, une formation sanitaire située à la frontière avec le Soudan à 65 km de Birao, se retrouvent directement impactés par la crise humanitaire, car ils doivent prendre en charge le flux de malades qui ne cesse d’augmenter. La faible capacité d’accueil, le manque d’équipement et l’insuffisance de personnel de santé qualifié pour faire face aux besoins en santé des réfugiés et retournés, ajoutés à ceux de la communauté hôte, aggravent la situation.
Pour venir en appui au gouvernement centrafricain dans ses efforts pour la réponse à cette crise, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a déployé une équipe pluridisciplinaire d’urgence. Son rôle : aider à renforcer la coordination sanitaire et humanitaire, améliorer la surveillance des maladies et assurer la fourniture des soins de santé indispensables sur le site de Korsi.
35 travailleurs de santé du district de la Vakaga ont été formés aux premiers secours psychologiques et aux investigations des maladies comme la coqueluche, la rage canine et le ver de Guinée. En plus de l’appui en coordination et en médicaments, l’OMS, sur fonds propres, a fait don de cinq motos et a soutenu 62 séances de stratégies avancées de vaccination de routine, lesquelles ont permis de vacciner 973 enfants de moins d’un an et 181 femmes enceintes dans les 10 aires de santé du district de la Vakaga. Pour la surveillance épidémiologique, plusieurs investigations d’alertes de maladies à potentiel épidémique ont été réalisées. Les analyses d’échantillons effectuées au laboratoire de l’Institut Pasteur à Bangui, ont confirmé les épidémies de coqueluche et rage canine, dont la riposte multisectorielle est en cours.
De juillet 2023 à février 2024, dans le camp de Korsi, près de 19 000 consultations médicales ont été réalisées grâce à l’appui de l’OMS et d’autres partenaires. Les pathologies les plus courantes sont le paludisme, la malnutrition avec complications, les infections respiratoires et la diarrhée.
Grâce aux fonds pour les situations d’urgence CFE, l’Organisation a prépositionné des kits d’urgence sanitaire, contenant des médicaments pour le traitement du paludisme, des infections respiratoires aiguës, de la diarrhée et d’autres maladies courantes ainsi que des consommables médicaux comme des gants et des seringues. Ces kits permettent de garantir la gratuité totale pour tous les soins en faveur des réfugiés et des communautés locales, ce qui n’était encore réservé avant la crise qu’aux enfants de moins de 5 ans, aux femmes enceintes et aux personnes les plus défavorisées. Le bloc opératoire de l’hôpital de Birao a été équipé et le plateau technique du laboratoire renforcé.
« L’appui de l’OMS en médicaments et autres équipements a été capital pour sauver des vies », a déclaré le médecin-chef du district sanitaire de la Vakaga, Dr François Janvier Gbassapa. « Le plus important est de maintenir l'élan actuel et de redoubler d'efforts pour accroître les moyens logistiques et opérationnels en vue du déploiement de plus de personnel de santé sur le site de Korsi. »
Le pays reste en alerte car la crise au Soudan ne laisse entrevoir aucune fin possible de sitôt. Toutefois, les ressources s’amenuisent d’où la nécessité de continuer à mobiliser les partenaires et la communauté internationale.
« Nous poursuivons notre appui au district sanitaire, en collaboration avec les acteurs de la santé, afin que les personnes qui ont été contraintes de quitter leur foyer au Soudan bénéficient des services de santé dont elles ont besoin au bon moment et n’importe où. Pour les communautés d’accueil, nous travaillons à garantir la continuité des services sanitaires essentiels », a déclaré le Dr Arsène Dominique Konzelo Gassa-ngazo, chef du sous-bureau de l’OMS à Birao. « A ce jour, le défi majeur demeure la mise en place des mesures de contrôle sanitaire aux frontières, dans le cadre de la sécurité sanitaire. »
Aujourd’hui, la situation sanitaire dans le camp de Korsi est relativement moins tendue et les efforts fournis pour assurer la santé des populations affectées par la crise sont largement appréciés. « Dès notre arrivée à Korsi, mes enfants ont été vaccinés contre la polio. Mon épouse, enceinte, a bénéficié d’une prise en charge médicale gratuite et a reçu le vaccin contre le tétanos néonatal. Moi-même, j’ai été vacciné contre la COVID-19 », témoigne Abrahim, 29 ans, marié et père de deux enfants. « Cette attention qu’on nous accorde nous réconforte beaucoup. »
Pendant ce temps, la mère de Buruma a pu, elle aussi, bénéficier des soins adéquats et recouvrer la santé. « Alors que je me lamentais sur comment je pourrais régler la facture de l’hôpital, comme par magie, le médecin traitant m’a soufflé ceci : ‘‘ici, les soins et les médicaments sont gratuits pour tout le monde’’. C’était un véritable ouf de soulagement », révèle Buruma, qui s’adonne à du jardinage pour s’occuper. « Après le traitement, nous sommes revenus à l’hôpital pour refaire le test du paludisme qui s’est cette fois avéré négatif. »